Personne n'est meilleur qu'un autre, nous sommes juste tous différents
Prison de Wicklow Gaol, 5 avril 2005 :
Aujourd'hui, la prison était calme, les prisonniers étant pour la plupart en visite. Raphael était une des rares à ne jamais avoir de visite. Sa famille - enfin ce qu'il en reste - et ses "amis" l'ayant abandonnés à son triste sort. Elle était donc dans sa chambre, en train de tuer le temps, quand une autre prisonnière, Marie avec qui elle avait lié d'amitié arriva. Elle lui demanda pourquoi elle n'était pas en visite avec les autres. Raphael avait envie de discuter, elle lui avoua donc :
- Mon père est un salaud qui m'a abandonné dès que je me suis retrouvée dans la merde. Ne parlons pas de mes soit disant amis.
Étonnée, son interlocutrice lui demanda :
- Qu'est-ce qui peut pousser un père à abandonner son enfant ? C'est horrible ! Tu dois te sentir terriblement seule.
Raphael prit une grande inspiration et raconta :
- Je ne te cache pas que je me sent seule. Mais j'ai l'habitude. J'ai pas été très gâtée depuis mon enfance. J'ai pas eu la vie, la plus palpitante qui soit. Mon père a commencé à me violer à mes cinq ans. C'était un salopard d'ivrogne. Bien évidemment, violer sa fille ne lui suffisait pas et il fallait qu'il face la même chose avec ma pauvre mère. Elle n'avait rien demandé, et quand elle essayait de me protéger de son mari, elle se faisait battre. Elle non plus n'a pas été épargné par ce truand. Si elle avait pu elle se serait enfuit, mais elle n'en a jamais eu le courage. Elle préférait se taire et encaisser sans broncher. Mais, je crois qu'elle s'en est toujours voulu de ne pas être parti. Je n'ai donc pas de très bon souvenir de mon enfance. Les seuls bons moments que j'ai passé, c'est quand mon père n'était pas là et qu'avec ma mère nous en profitions pour sortir ensemble. Je voyais bien, que ma mère n'était pas bien, et qu'elle ne tiendrait pas très longtemps. La seule chose qui l'a raccroché à la vie pendant toutes ses années, c'est moi. Néanmoins, plus les années passaient, moins elle ne me défendait quand mon père me violait. Elle n'en avait tout simplement plus la force. Ce qui devait arriver, arriva, un soir, je rentrais de l'école et je retrouvais ma mère morte, d'une balle dans la tête. J'avais 14 ans. J'en avais déjà vu bien trop. J'ai commencé à me fréquenter un groupe de drogués et je suis devenue une zombie, ou ce qu'on appelle plus couramment une délinquante. C'est là, qu'une assistante sociale est intervenue. Je n'allais plus au lycée et les services sociaux s'en sont inquiétés. J'ai rencontré plusieurs fois cette même assistante sociale, à qui j'ai tout avoué. Elle m'a immédiatement placé dans une famille d'accueil à l'autre bout de Londres. Je n'ai plus jamais revu mon père. Cette femme, je ne saurais jamais comment la remercier pour tout ce qu'elle a fait. Elle m'a beaucoup aidé, et grâce à elle je suis sortie de la drogue. Les choses ne se sont pas pour autant améliorées, j'avais trop de séquelles. Je suis sombré dans une profonde dépression qui m'a amené à faire un séjour de plusieurs mois en hôpital psychiatrique. Je ne saurais dire si ce séjour m'a aidé ou pas. Mais au moins, j'étais en sécurité. Mais, il a bien fallut que je sorte un jour. Le psychiatre m'a annoncé deux semaines à l'avance que je sortais, il trouvait que j'allais mieux. J'étais maintenant une grande adolescente, et j'avais 17 ans. J'ai été placé dans une nouvelle famille d'accueil, et j'ai tenté d'avoir une vie normale. Malheureusement, ce n'était pas si simple que cela, et j'ai eu la malchance de rencontrer un groupe de drogués. Je suis retombée dans le cercle vicieux de la drogue, et j'ai commencé par faire des vols à l'étalage. Un jour, mon groupe d'amis m'a annoncé que nous partions en Irlande, pour vendre de la drogue. Je les ai suivi et j'ai commencé à en vendre. Quelques années ont passé et j'avais réussi à me faire un bon réseau. Le trafic de drogues était à son apogée. Nous n'étions plus tellement prudent, et nous ne vîmes pas arriver les policiers ce soir-là. Je ne réussis pas à m'enfuir. J'ai été condamné à 10 ans de prison. Je n'en suis qu'à la moitié. Depuis je n'ai pas de nouvelles de mes soit disant amis, ni de mon père.
Son récit terminé, la détenue se mit à pleurer dans les bras de sa camarade. Elle pleura, comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. C'était la deuxième fois qu'elle racontait son histoire, sans mentir. La première étant il y a plus de 10 ans à l'assistante sociale. Marie, la consola et lui témoigna toute son affection.
Prison de Wicklow Gaol, 14 janvier 2010 :
Quelques semaines plus tôt, Raphael avait été informé de sa sortie de prison. Elle ne savait pas comment prendre la nouvelle. Elle n'avait pas d'entourage vers qui se tourner à sa sortie. Elle ne connaissait personne dans le coin. Cependant, elle ne voulait pas retourner à Londres, et souhaitait rester en Irlande. Elle savait qu'il y avait une ville pas loin de la prison et espérait y trouver du travail. Elle voulait se saisir de cette chance pour repartir à zéro, et se construire une nouvelle vie. Elle avait donc hâte de sortir de la prison. En même temps, elle avait lié d'amitié avec des détenues et s'était habituée au quotidien de la vie carcérale.
Le jour J, arriva plus vite qu'elle ne l'avait pensé, et elle se retrouva assez rapidement à l'extérieur, sans avoir pu dire au-revoir à ses amies. C'est avec le cœur lourd qu'elle quitta la prison, mais aussi pleines d'espoirs d'une vie meilleure.
A son arrivée dans la ville de Wicklow elle se dirigea vers un hôtel et paya plusieurs nuits, le temps de trouver un travail et un logement. Elle n'eut pas de difficulté à trouver un travail, et fut embauchée en tant que serveuse dans un pub, Twins Clarke. Quelques semaines après sa sortie de prison elle trouva un petit appartement de fortune à Ballyguile Hills.