watch the stain away, and i feel quite ok. Il y a toujours cet ami. On ne sait jamais si c'en est réellement un d'ailleurs. On s'attache. Il nous fait mal une première fois. Et puis, on lui pardonne parce qu'on passe du bon temps avec lui. Et puis, on découvre ses défauts, de jour en jour. Et ça nous fait encore plus mal au cœur. Mais on continue de s'y attacher. C'est plus fort que nous. Tout cette douleur, on la digère et le lendemain tout va bien. Cet ami, c'est comme une drogue. On sait qu'il faut y mettre un terme, mais on en consomme, parce qu'on en a besoin.
J'ai un pote comme ça. Il s'appelle Sam. Je l'aime et je le déteste à la fois. Il est le bourreau de mon cœur, de mon corps. Sam, c'est le caïd de la classe. Je savais pas pourquoi il est comme ça. Maintenant oui. Un jour, je l'ai suivi jusqu'à chez lui. Il voulait jamais nous inviter et moi j'étais curieux. Je voulais tout savoir. Je veux encore tout savoir. Évidemment, je me suis fais griller. J'avais nul part où me cacher dans la rue déserte. Il avait jeté un coup d’œil derrière lui et ma filature partait en fumée. Je me souviens du regard qu'il m'avait lancé. Un regard teinté de surprise et puis rapidement de colère. Qu'est-ce que tu fous là Kirby ? J'aurais préféré être mort plutôt que de l'affronter une nouvelle fois de plus dans la journée. Il ne se lasse jamais de me faire son dur à cuire. Enfin, je dis ça comme s'il est ridicule, mais en vérité je chie dans mon pantalon à chaque fois que ces yeux gris me toisent de haut en bas. Je... Rien, je. Je vais à la bibliothèque rendre des bouquins. J'étais devenu rouge comme une tomate. Je ne sais pas mentir, ça se voit à des kilomètres à la ronde. D'ailleurs, Sam se moquait déjà. Pfff tu fais pitié Lou. Des mots. Des lames. Elles se glissent dans ma cage thoracique et viennent trancher mon cœur en pièces. Mais je ne répond pas. J'encaisse. Il ne se rend pas compte de ce qu'il dit. Oui, ce doit être ça. Je le regarde descendre des escaliers et me rejoindre sur le goudron. J'ai la gorge serrée et j'ai l'impression que je vais craquer cette fois. Il se rapproche dangereusement. Tu me suis Kirby ? Sam connait la réponse, mais ça l'amuse de m’embarrasser. Non. Non, pas du tout. Je l'entendais soupirer de mécontentement. Je le sentais tellement il était proche. Ma réponse ne le satisfaisait pas, alors il m'a prit le menton entre ses doigts et il a serré. C'était pas la première fois. Ce sera pas la dernière. Je subissais, je restais sous son emprise. Sam, c'est un venin appétissant. Quand il me fait mal, je me retrouve bizarrement collé à lui. Son cœur palpitant d'adrénaline, sa bouche tentante, son souffle rapide, je sens tout ça, et je deviens sa poupée. SAM! RAMÈNE TON CUL! Le bulldog qui lui sert de père lui gueulait dessus comme un dresseur d'animal. C'est à ce moment que j'ai compris pourquoi Sam était comme ça. D'ailleurs, il m'avait lâché amèrement et me lançait un regard qui disait 'oublie ça ou t'es mort'. Et Sam rentrait chez lui, à l'abattoir. Moi, j'étais égoïste, j'aurais aimé qu'il reste encore un peu, sur cette pelouse, à fixer ses prunelles dans les miennes avec violence. Je n'avais plus qu'à rentrer chez moi, prier et m'endormir la tête dans les étoiles à rêver de Sam le caïd.
J'aime me persuader qu'il y a un truc entre nous. J'aime me dire que Sam prend un certain plaisir à me pousser contre les murs jusqu'à m'écraser. J'aime rêver qu'il fait ça parce que je ressens un truc. Même si c'est dur de se l'avouer, c'est dur de lui faire face tous les jours et de le regarder faire le mec violent.
(...)
T'es faible Louis. On t'a appris quoi chez toi ? A tendre l'autre joue si on te gifle la première ? A pardonner les pêchers des autres ? Surtout ne pas pardonner les tiens ? A te sentir coupable dans toutes tes décisions ? Ton père, celui qu'on voit au premier rang à l'église, t'a appris à te soumettre aux autres. Il ne t'a pas appris à devenir un homme confiant en lui et indépendant. Il t'a façonné -peut-être inconsciemment, n'empêche il l'a fait- pour que tu le craignes. T'es faible et ça crève les yeux. En cours, dans les rues, en gym, dans les vestiaires... Et ils en ont profité les connards. Ils t'ont sacrément écorché. J'ai pété un câble quand je t'ai trouvé près du lavabo. J'me préparais à te taquiner, te bousculer peut-être, en ne sachant pas d'où vient cette envie de t'abaisser. Mais j'ai vu ton visage, les larmes qui sortaient de ces yeux bouffis. Déjà, je comprenais plus. Et puis, y'avait ton nez qui pissait le sang et tes mains qui essayait d'arrêter cet enfer. Putain, mon cœur s'est stoppé net pendant une demie seconde. J'ai eu peur pour toi. J'ai gueulé à ta place. J'étais hors de moi. J'voyais rouge. Ceux qui t'ont fait ça allait le payer cher. J'allais les retrouver ces salauds et j'allais les éclater. Je m'imaginais déjà sentir leur dents craquer sous mes poings. Personne n'a le droit de te faire du mal. Personne, excepté moi. Je suis le seul à sentir ta peur, à sentir les palpitations de ton cœur, à fixer ce visage d'ange dans tout ses détails. Le lendemain, je revenais fier dans la cour de récréation. J'te montrais mes blessures de guerre. Tu crains plus rien Lou, j'les ai niqué. A ce moment là, j'ai vu des étoiles dansées dans tes yeux. J'ai déraillé, mes doigts effleurant ta lèvre humiliée. Mais dans un éclair de lucidité, j'me reprends vite. Ce serait con qu'on me prenne pour une tapette. Les ragots vont bon train dans cette ville.
(...)
Bon. Souhaite-moi bonne chance Lily. La raillerie ne me quitte jamais. Ma sœur pouffa de rire et me rassura que tout allait glisser comme sur des roulettes. Je haussais les épaules. Si jamais mes parents ne me soutiendraient pas, je n'allais pas abandonner le projet pour de bon. Disons que ce sera difficile à vivre, mais j'étais déterminé à ne pas me fourrer dans une profession plus respectable et envisageable du point de vue de mes parents. Je savais à l'avance que ça ne les réjouirait pas. Pour être sincère, je m'en fous comme de ma première couche culotte. Sérieusement, j'en suis arrivé à un point où je ne calcule plus leur avis et leurs remarques perchées. Eux et moi, nous nous situons sur des longueurs d'ondes opposées. Depuis qu'ils ont compris que je n'avais aucune intention de suivre les pas de papa, c'est-à-dire devenir un boulanger. Non pas que je me suis coupé de la tradition familiale, pas du tout.
L'école des arts, je veux bien, mais... des études de cinéma ? L'art. Il en est pourtant un grand admirateur. Seulement, imaginer son fils y faire carrière ne le réjouissait pas tout à fait. Oui, le cinéma. Pour être camera-man ou perchiste. A la place d'une réponse construite, j'entendis un bougonnement grandissant.
(...)
Il est là, ton caïd
C'est bien lui, la tête dans le cambouis.
Explosion de lumière, les yeux grand ouverts
Noyade jusqu'aux tréfonds de ton âme
Essoufflé, tu peux plus respirer
Vite, de l'air
Il n'a fallu qu'un regard et t'as repris vie
Il n'a fallu qu'un sourire, le sien, et le monde s'est illuminé
Putain il se souvient
De la petite victime qu'il astiquait de mots et de coups
Le garçon qui se trémoussait sous son poids ;
Il ne l'a jamais oublié.
C'est qu'il t'avait dans la peau,
et toi dans la sienne.
Vous saviez sans le vouloir, sans comprendre
Que vos cœurs battaient l'un pour l'autre.