[Elaina] Hush, Little Baby

En ce début d’après-midi, Jayden en était déjà à sa sixième cigarettes, un nombre important à ses yeux quand il avait arrêté pendant de si nombreuses années et qui, malgré sa bonne volonté, était un signe caractéristique du stress auquel il était en proie depuis quelques jours. Depuis qu’elle avait eu le culot devenir l’attendre à la sortie du poste pour le supplier, ou plutôt pour lui ordonner. C’était surement ce qui le rendait le plus malade, d’avoir céder à sa mère quand il se targuait à qui voulait l’écouter qu’il était indépendant et que plus personne n’avait d’influence sur lui. Ca le rendait malade, au point de s’en détruire les poumons avec une application toute particulière, peut être parce qu’inconsciemment il espérait choper un truc grave, assez pour qu’on veuille bien enfin le considérer comme un être humain normal et pas comme la vache à lait tout juste bonne à se faire user selon les bons vouloir des autres. Jayden luttait contre les pensées horripilantes qui lui chatouillaient les quelques neurones encore inoccupés, les autres tous focalisés sur le fait que les papiers avaient été envoyé la veille et que maintenant les jours avant la libération de Murphy pouvaient presque se compter sur une main. Il serra les dents en continuant de marcher, trainant les pieds dans les graviers, comme si le poids du monde l’enfonçait un peu plus dans le sol. Il avait les boules, vraiment. Ses muscles commencèrent à se contracter et il se dirigea vers le banc, tranquillement isolé entre deux buissons, lui offrant malgré tout une vue agréable sur l’herbe et les gamins qui, à la sortie de l’école, venaient ici pour jouer. Un début de point de côté le tenaillait et il souffla comme un boeuf en s’installant, étalant ses jambes pour les reposer, écrasant son énième mégot sous le banc pour finalement le jeter dans la poubelle à proximité, sans se lever, se prenant quelques secondes pour un basketteur de renom.

Un regard vers le petit sac en papier qu’il avait posé à côté de lui et il releva légèrement la fesse gauche, raidissant sa jambe, pour parvenir à extirper son portable de sa poche. Un sourire hésitant sur son visage. Au bout de quelques secondes de réflexion, qui lui parurent des minutes longues et douloureuses, il finit par choisir un des deux numéros entre lesquels il hésitait.
J’ai une de tes pâtisseries préférées avec moi.. L’ennui c’est que j’en ai pris deux et que si je mange pas le second je vais être forcé de le donner à un inconnu.. Ca serait dommage. Suis au parc, ramène tes fesses, ingrate.
J.
Il était aussi doué à l’écrit qu’à l’oral, mais il savait déjà qu’Elaina ne s’en formaliserait sans doute pas, trop habitué pour s’étonner de son baratin pourri. C’était terrible à dire, mais même s’il n’avait pas spécialement envie de la voir, Jayden se voyait de plus en plus surprit par des sursauts d’affections et de besoin de rapprochement avec la seule membre de la fratrie qui n’avait rien fait.. Rien fait pour mériter de se retrouver au milieu de leur semblant de famille.

Un regard sur le parc et il sut qu’il avait accompli le plus difficile jusqu’ici. Il avait promis à sa mère de faire sortir Murphy, mais pas de s’en occuper, alors dans sa réflexion un peu foireuse, il avait fait sa part du marché, restait qu’à sa mère de faire le reste, sans l’y mêler. La seule chose c’était que Jayden espérait avoir été assez clair avec elle lors de leur dernière entrevue, parce que s’il devait encore intervenir, il risquait d’être bien moins sympathique; considérant qu’en envoyant simplement son frère derrière les barreaux, il avait été incroyablement gentil. Soupirant il pencha la tête sur le côté, levant les bras au bon moment pour rattraper le ballon que des enfants envoyèrent dans sa direction sans faire attention, leur renvoyant avec un sourire qu’il ne parvint à retenir. Il l’aimait bien ce parc, sans doute parce que c’était le seul endroit dans lequel il pouvait se trouver sans qu’un souvenir de Murphy avec ses conneries ne viennent lui faire perdre cette dimension agréable, apaisante. S’il ne se trompait pas, c’était dans ce coin-là qu’Elaina avait fait ses premiers pas. Conneries sentimentales.. Il sourit et baissa ses lunettes de soleil sur son nez, épuisé, s’autorisant à fermer légèrement les yeux.